Comment ne pas mourir de chagrin

Ce n'est pas une question, sinon il y aurait un point d'interrogation.

Ce que nous subissons ici en Israël porte un nom, ça s'appelle de la torture. Les gens autour de moi, au travail, dans les transports en commun, sont littéralement torturés par ce qui arrive : la mort des six otages retrouvés exécutés dans un tunnel à Gaza a exacerbé encore le chagrin, la rage et la frustration des Israéliens. Certains font des crises cardiaques, comme Yossi, le père d'Almog Méir, cet otage libéré par Tsahal le 8 juin dernier en compagnie de trois autres otages. Il est mort de chagrin, sans avoir revu son fils. 

Lequel a dû l'enterrer, le lendemain de sa libération par Tsahal.

Les terroristes qui détiennent les otages encore en vie semblent faire mourir tout le pays à petit feu. Quelques-uns rejettent la faute sur le Premier Ministre, qu'ils accusent de ne pas capituler assez rapidement devant les exigences du Hamas. Les autres savent que les coupables, ce n'est pas Bibi, Smotritch, Ben Gvir ou le Cabinet de guerre, mais les monstres inhumains pour lesquels la vie n'a aucun prix, encore moins celle des Juifs.

Depuis un an bientôt, depuis le début de cette terrible guerre qui nous a été imposée, des gens sont logés à l'hôtel à cause des bombardements quotidiens à la frontière nord. Quant aux parents des soldats qui combattent à Gaza, ils sont fous d'angoisse, car chaque jour que Dieu fait apporte avec lui sa sinistre moisson de mauvaises nouvelles : voir les visages, lire les noms des soldats qui meurent quotidiennement pour le pays est devenu une épreuve cruelle. Je n'ose même pas penser aux gens qui se torturent à chaque instant en pensant au sort de leur enfant, de leur soeur, de leur frère, de leur épouse, de leur mari, de leur père, de leur mère détenus à Gaza. Aux volontaires de Zaka qui ont dû ramasser ce qui restait des gens massacrés le 7 octobre, puis dans les nombreux attentats qui ensanglantent actuellement le pays. 

Les gens semblent littéralement mourir de chagrin. Les Juifs de diaspora, dont Sylvia, sur Facebook, sont mortellement inquiets pour leurs frères vivants en Israël. Partout, pour les Juifs, le chagrin et le deuil semblent interminables.

 


Comment ne pas mourir de chagrin, c'est le sujet de cet article, c'est aussi un mode d'emploi :

1. Se dire que ne pas dormir, ne pas manger, ne pas sortir ne ramènera pas les otages. Ni ceux qui sont morts.

2. Accepter ce qui ne dépend pas de nous, ou agir si l'on estime que quelque chose peut être fait. Prier, par exemple, pour ceux qui le peuvent, fait beaucoup de bien. En tout cas beaucoup plus que rester devant la télé à s'abrutir devant le récit des journalistes et les images de la guerre.

3. Transformer le chagrin et la frustration en action, se fixer des buts : autour de moi, les femmes, dont ma mère, font des gâteaux pour les soldats. Elles les apportent à la Beit Knesset (la synagogue, en français) où ils sont collectés et envoyés à Gaza. Clara, une amie très chère, fait chaque semaine un excellent couscous pour les soldats. Ma fille l'aide, à l'occasion. Clara organise ce soir, comme chaque mardi soir, un cours de renforcement pour les femmes, et son mari, Michaël, donne pour elles un cours de Torah. Clara, qui est une excellente cuisinière, prépare pour l'occasion une délicieuse collation. Tout est gratuit.

4. Donner. De son temps, de son énergie, aller visiter les blessés à l'hôpital. Aller aider les agriculteurs dans les serres, dans les champs, aux vendanges... Tant de travailleurs agricoles sont partis ou ont été assassinés ! Donner des vêtements pour ceux qui n'ont plus rien, s'occuper des veuves, des orphelins, comme Oriella qui est responsable de l'association One Family. Chacun tente de faire sa part, d'une manière ou d'une autre, en donnant gratuitement, pour aider dans la mesure du possible, et même de l'impossible. Toybé, dont le mari et les frères se battent à Gaza, trouve l'énergie et le courage de s'occuper seule de ses trois enfants, de sa maison, et de travailler : elle gère une chaîne de produits naturels, elle est doula (accompagnatrice de grossesse et de naissance) et masseuse professionnelle, alors pour la panique, la dépression ou le désespoir, elle n'a tout simplement pas le temps.

5. Ecouter de la musique, et danser. C'est un pied de nez au malheur et à nos ennemis, et cela fait énormément de bien. J'écoute Count Basie qui m'apaise énormément. Aussi beaucoup de chansons. J'utilise personnellement cette petite play-list :

https://youtube.com/playlist?list=PLgFfJuHMwz5se8hDfQZchEMQXl4Q_MKsx&si=4ZFKdnLGRCRKmdR4

Je l'ai concoctée durant le confinement, il y a quatre ans. Contre le chagrin, ça marche très bien, car l'essentiel est de se déconnecter, au moins pour quelques minutes, de cette obsession concernant le sort des otages, des soldats, du pays tout entier, menacé comme jamais. Se déconnecter temporairement permet de retrouver des forces. Comme un sommeil réparateur. Mettez-vous debout, et dansez.

עם ישראל חי ורוקד


                                    Catherine Stora


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