Amit Segal : Le Moyen-Orient de Biden est un monde fantasmé

Biden s'imagine que les ''Palestiniens'' sont désireux de vivre en paix, et que le gouvernement israélien est en désaccord avec le peuple israélien.

Jérusalem

Quand Joe Biden et les responsables de son administration parlent des Israéliens et des Palestiniens, ils décrivent deux peuples qui en réalité n’existent pas. Selon la Maison Blanche, les Palestiniens aspirent à la paix, rejettent le Hamas et sont prêts à faire de douloureuses concessions. 

Une semaine après que le Hamas ait attaqué Israël, M. Biden a déclaré dans une interview sur « 60 Minutes» : « Le Hamas et les éléments extrémistes du Hamas ne représentent pas tout le peuple palestinien. » Le conseiller à la sécurité nationale, Jake Sullivan, a déclaré : « Les très nombreux Palestiniens qui n’ont rien à voir avec la brutale organisation terroriste Hamas – la grande majorité de la population de Gaza – méritent leur dignité. Ils méritent sûreté et sécurité.»  

En réalité, selon une enquête du mois de novembre du Monde arabe pour la recherche et le développement, affilié à l’Université de Birzeit, basée à Ramallah, 59 % des Palestiniens « soutiennent tout à fait » le massacre du 7 octobre, et 16 % le « soutiennent un peu ».

Lorsque M. Biden se réfère à l'Autorité palestinienne comme représentant légitime du peuple palestinien, il ignore que son président, Mahmoud Abbas a été élu pour la dernière fois il y a 19 ans pour un mandat de quatre ans, et que la dernière fois que les Palestiniens sont allés aux urnes, en 2006, ils ont voté pour le Hamas.

Le peuple israélien tel que la Maison Blanche l’envisage diffère également de la réalité. La vice-présidente Kamala Harris a prononcé cette semaine une déclaration sur Israël du genre de celles généralement réservées aux dictatures : « Il est important pour nous de distinguer ou du moins de ne pas confondre le gouvernement israélien avec le peuple israélien. »

Certains partisans de M. Biden ont suggéré qu'il s'adresse à la Knesset, passant par-dessus la tête du Premier ministre Benjamin Netanyahu et s'adressant directement à la population israélienne prétendument modérée. Le président a semblé ouvert à l’idée dans une interview accordée à MSNBC cette semaine, bien qu’il l’ait ensuite désavoué. Si M. Biden s’engage directement auprès du peuple israélien, il sera surpris par ce qu’il entendra.

Oui, il existe une disparité significative entre les dirigeants israéliens et les citoyens, mais c’est le contraire de ce que pensent les gens à Washington. Le public israélien est bien plus « à droite » que son gouvernement. Alors que M. Netanyahu a déjà exprimé son soutien à un État palestinien, une enquête menée en février par Midgam pour Channel 12 News a révélé que 63 % de l’opinion publique israélienne s’oppose fermement à un tel État, quelles que soient les conditions. Alors que le cabinet a implicitement convenu qu’une Autorité palestinienne renouvelée contrôlerait Gaza, 73 % de ceux qui ont exprimé une opinion dans le sondage s’y sont opposés.

Le ministre Benny Gantz a accueilli M. Abbas chez lui, mais les Israéliens n'ont pas oublié les mensonges éhontés de M. Abbas sur l'Holocauste. Le gouvernement israélien a fourni une aide humanitaire à Gaza, mais une mais une enquête de janvier a révélé que 72 % de la population s'oppose à une telle aide jusqu'à ce que tous les otages soient libérés. M. Netanyahu a officiellement rejeté l’idée de renouveler la colonisation juive à Gaza et de contrôler directement la bande de Gaza, mais les deux tiers de ses électeurs soutiennent de telles mesures, selon l’enquête Midgam/Channel 12.

L’Israël que connaît M. Biden – l'Israël qui soutient des retraits massifs, l’évacuation des implantations et la solution à deux États – a cessé d’exister il y a vingt ans, lors de la deuxième Intifada. La violence sauvage palestinienne à cette époque a coûté la vie sans discernement à plus de 1 000 Israéliens, dont des bébés, des femmes et des personnes âgées. Ce massacre a été dirigé par des « modérés » du Fatah plutôt que par des extrémistes du Hamas, et le massacre s’est déroulé au ralenti, sur trois ans au lieu de huit heures. Ces événements sanglants se sont produits des mois après que le Premier ministre israélien a proposé au dirigeant palestinien plus de 90 % de la Judée et de la Samarie, l'évacuation de milliers d'habitants juifs, la division de la vieille ville de Jérusalem et le contrôle palestinien du Mont du Temple.

Les gauchistes israéliens ont depuis déployé le drapeau de la solution à deux États et brandi d’autres banderoles, davantage liées aux questions de politique intérieure, notamment au rôle des Juifs ultra-orthodoxes et aux propositions de réforme du système juridique. Lorsque M. Biden affirme que M. Netanyahu « fait plus de mal à Israël qu’il ne l’aide », il fait référence à la seule question sur laquelle la plupart des Israéliens soutiennent le Premier ministre. Pour M. Netanyahu, la question palestinienne est presque le seul sujet confortable après le 7 octobre.

Parfois, je me demande si MM. Biden et Netanyahu ont conspiré pour organiser une confrontation croissante entre eux afin de se sauver de la défaite que prédisent les sondages : le président affronte le Premier ministre pour renforcer sa base désillusionnée ; M. Netanyahu se remet de son incapacité à prévoir et à empêcher l’attaque en prouvant qu’il est fort contre Washington. Si M. Biden vise réellement à pacifier Israël en renversant M. Netanyahu, sa stratégie est mauvaise. Le prochain Premier ministre héritera de l’opinion publique israélienne.

Il est temps que l'administration comprenne la réalité : les Palestiniens soutiennent massivement le meurtre des Juifs, et les Israéliens ne pensent pas que les Palestiniens méritent un État.

Peut-être que M. Netanyahu devrait passer par-dessus la tête de M. Biden et s’adresser directement au peuple américain. Selon un récent sondage Harvard Caps-Harris, le public américain soutient Israël bien plus que le président. Et je voudrais rappeler à mes compatriotes israéliens qu’il est important pour nous de distinguer, ou du moins de ne pas confondre, le gouvernement américain avec le peuple américain.


Article paru le 13 mars 2024 dans le Wall Street Journal, adapté par C.Stora pour Alma Médoubar

M. Segal est le commentateur politique en chef de la Douzième chaîne d'information israélienne et l'auteur de « Histoire de la politique d'Israël.» 









Commentaires

  1. Tout d'abord, toutes mes félicitations pour le renouveau de la parution de ton journal dont le lecteur que je suis a été injustement privé momentanément.
    Pour ce qui est de la phrase assez démagogique des dirigeants américains, je la recyclerais bien pour la leur retourner.
    Il ne faut pas confondre le peuple israélien et le gouvernement israélien.
    En effet, le gouvernement, puisqu'il est question de représentativité du peuple (démocratie etc.) a le devoir d'écouter le peuple.
    Et contrairement au gouvernement, qui veut, comme le définit si bien Moshé Feiglin, nous ramener mentalement au 6 octobre, et ne rien faire de plus qu'une vaste opération militaire pour mettre un terme aux bombardements de Tel-Aviv par les 100% occupants de Gaza, le peuple lui veut récupérer sa terre, rentrer à Gaza, reconstruire Gouch Katif, et enfin se débarrasser de cet occupant indésirable.

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    1. Tu as raison. Mais je pense que le gouvernement ne pourra éternellement faire la sourde-oreille en ignorant la voix du peuple... Et celle des soldats !

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