Chiffres et dates, suite et fin.

Aujourd'hui, c'est Tou béAv, le 15 du mois de Av, il y a des concerts gratuits un peu partout pour célébrer ce jour, décrété ''Jour des Amoureux'', ou ''Jour de l'Amour'' : un peu notre Saint-Valentin à nous, laquelle est une fête païenne à l'origine, et qui s'est transformée en l'opération commerciale que l'on sait. 

Mais rassurez-vous, les marchands ont réussi comme chez vous à retirer des bénéfices juteux de cette fête organisée, fleurs, bijoux, parfums, bonbons, tout est bon pour faire des petits cadeaux à l'élu(e) de son coeur, les boutiques réalisent j'en suis sûre la moitié de leur chiffre d'affaire annuel grâce à Tou béAv.

Chez nous, la date du 15ème jour de Av est mentionnée dans la Bible comme une fête de libération et de joie pour le peuple juif (Livre des Juges, 21:19)

Cette coutume de se réjouir à tou béAv vient dit-on aussi de la permission d'ensevelir les corps accordée finalement par Rome, rappelez-vous Antigone, morte pour avoir voulu enterrer son frère, Polynice... Les Romains avaient interdit d'enterrer les corps des combattants juifs tombés lors de la chute de Beitar, pour les punir de s'être révoltés contre l'autorité de Rome et avoir défié ses soldats. Une punition terrible pour nous autres Juifs, qui enterrons nos morts le jour même : il arriva que finalement la permission d'enterrer les morts fut accordée, et c'était un jour de Tou béAv.

Bref, les Romains connaissaient Sophocle.

Il y a, en cette période d'après Tisha BéAv, énormément de mariages, vu qu'on ne se marie pas entre le 17 Tamouz et Tisha Béav, trois semaines sans se marier, l'Israélien n'en peut plus ! Alors là, il y va à fond, les salles de réception étaient surbookées et tout le monde a fait bombance hier soir. (Les fêtes ici commencent traditionnellement la veille au soir) Moi je suis allée à un concert de chansons de Léonard Cohen, il y avait de grandes nattes par terre en face de la petite scène, en plein air, une buvette, c'était sympa et convivial. La lune, en face, ronde, énorme, suspendue en l'air comme un lampadaire sans pied... Beaucoup de gens connaissaient les paroles par coeur. Si c'est pas d'l'amour, ça !

Aujourd'hui, mercredi 2 août, nous sommes le 214ème jour de l'année du calendrier grégorien, 214, la somme fait 7, se dit le lecteur perspicace et qui n'a pas perdu le fil. 

- C'est un signe. Mais de quoi déjà ? comme dirait Christine... Une vieille copine à moi qui aime bien rigoler. et faire de l'esprit, du mauvais, si possible.

Aujourd'hui, la tristesse de Tisha BéAv est loin, mais hier soir en fin d'après-midi on a appris qu'un attentat avait eu lieu à Maalé-Adoumim, une ville en plein essor, au nord de Jérusalem, et que France 24 appelle ''la plus grande colonie de Cisjordanie''... Seigneur ! Ils ne disent pas que des conneries, ils en écrivent, aussi !

Un mort et plusieurs blessés, certains, gravement. Le terroriste, liquidé. Désormais, avec l'installation d'une Autorité Palestiniaise en Judée-Samarie, depuis les accords d'Oslo en avril 93, trente ans cette année, les terroristes circulent facilement et quasiment partout. Une initiave désastreuse et qui nous coûte cher. Suicidaire.

Une autre initiative du même genre, que je qualifierais également de suicidaire, a eu lieu en juillet 2005. Désengagement unilatéral, ils ont appelé ça... Comment ne pas penser à cette période terrible, il y a dix-huit ans exactement, ces jours-ci, celle de l'expulsion des Juifs du Goush Katif ? Des expulsions, je l'ai rappelé dans l'article qui précède, les Juifs en ont connu beaucoup durant leur histoire pluri-millénaire, mais celle-là avait ceci de particulier qu'elle avait lieu en Israël : il y a dix-huit ans, la police et l'armée chassait des gens de leurs maisons, de leurs terres, de leurs serres, et la violence était commise par des Juifs, sur des Juifs ! C'était un spectacle terrible à regarder, ces femmes qui hurlaient, traînées par les vêtements, par les cheveux... Ces enfants terrifiés, ces jeunes qui s'étaient barricadés dans leurs maisons, qui défiaient les soldats... Ces gens en larmes qui priaient, qui suppliaient, certains s'étaient réunis dans des synagogues pour prier Dieu, et chantaient, espérant un miracle. 

Hélas, le miracle ne s'est pas produit et huit mille Israéliens qui vivaient dans cette région paradisiaque du Goush Katif ont été chassés de chez eux. Certains ne sont toujours pas relogés convenablement. Le traumatisme est immense. Les arabes ont célébré leur victoire sur l'ennemi sioniste en détruisant serres, maisons écoles et synagogues, auxquelles ils ont foutu le feu, et, dans la foulée, ont élu le Hamas avec le résultat que l'on sait : corruption à tous les étages, pour les chefs, la misère et l'endoctrinement pour le peuple, et pour nous, la guerre. J'ai vécu ma première alerte en 2011, moins d'un an après mon arrivée, et contrairement à ce que prétend Zemmour, que j'aime bien mais qui dit énormément de conneries de bêtises et d'approximations, avec son air pontifiant de monsieur je sais tout, nous n'avions pas, à cette époque, le Dôme de fer : Kipat Barzel n'a été mis en service qu'en 2013. Jusque là, il fallait prier que ça ne nous tombe pas sur le coin de la gueule figure. En février 2011, un grad est tombé à 50 mètres du mercaz klita ("centre d'intégration", en français) nous sommes allés contempler le lendemain matin le trou en forme de cratère en nous disant que c'était un petit miracle que ça ne soit pas tombé sur le toit... En 2014, été meurtrier, nous avons eu à déplorer la mort de 67 soldats, la plupart âgés de 19 et 20 ans.  Plusieurs assassinés après le cessez-le-feu, dans les fameux tunnels creusés par le Hamas, notamment Adar Goldin. Son corps n'a toujours pas été rendu à sa famille, et sa mère n'a enterré, lors de la cérémonie, qu'un cercueil vide.

Ils ont dû lire Sophocle aussi, au Hamas.

Je rappelle que cette guerre a été déclenchée par le Hamas et l'enlèvement de trois élèves d'une école talmudique, dans la soirée maudite du 12 juin 2014, ce jour-là j'étais sur scène avec le Big Band du conservatoire de Beershéva et ce concert a eu un goût de cendres : après d'intenses recherches, on les a retrouvés morts, le 30 juin, tous les trois dans un sac poubelle, dans un champ, près de Hévron. L'enterrement a eu lieu au cimetière de Modi'in, nous étions plus d'un million à nous être déplacés, des bus et des navettes avaient été mis à la disposition du public, il a fallu ensuite grimper plus d'une heure sous un soleil de plomb, je me souviens que des volontaires distribuaient des bouteilles d'eau tout le long du chemin, et que le silence était assourdissant, dans ces montagnes bleutées qui se teintaient lentement des premières couleurs du crépuscule.

Tout était figé. L'ambiance générale était indescriptible. Là, dans ce lieu d'une beauté stupéfiante, nous étions assommés, ahuris, pleins de chagrin, mais ensemble. Beaucoup de gens pleuraient. Gagnée par la contagion, j'ai laissé mes larmes couler.

Bibi était là lui aussi, avec une grande partie du gouvernement, les discours ont succédé aux discours, retransmis par des hauts-parleurs, et répercutés par les montagnes environnantes. Les trois garçons ont été enterrés ensemble et leurs trois mamans, dévastées et dignes, leur ont dit adieu.

En ce 2 août, je pense évidemment à la date de mon Alya, ça fait aujourd'hui 13 ans et demi que je vis dans ce pays de malades, cinq élections en trois ans, franchement, vous appelez ça comment ? 13 ans et demi ici, incroyable comme ça a passé vite, et non seulement je suis toujours en Israël mais je ne songe pas à partir, je commence même à réfléchir à une digne célébration de ce 14ème anniversaire, le 2 février prochain si Dieu veut. 14, soit deux dois 7, oui, merci et bravo, y'en a qui suivent !!!

S'il fallait faire un bilan de toutes ces années passées ici, je dirais que, même si la route a été longue et difficile (apprendre une nouvelle langue n'est pas une mince affaire !) et que j'en ai ch bavé, j'avoue... Que j'ai eu comme qui dirait des moments de découragement, il est largement positif. C'est vrai que c'est pas évident d'avoir à répondre à l'administration qui vous harcèle, aux mails, aux courriers, de négocier une anaha, h aspiré, ça veut dire une réduction, avec les services de l'arnona, un impôt municipal assez salé... Vouloir s'installer comme indépendant, quand on ne connaît pas la langue, ça paraît barge, il faut faire un CV en hébreu, de la pub pour récolter des clients, et surtout, il faut être convainquant, au téléphone, quand ils vous appellent pour avoir des renseignements... Mais enfin, c'est faisable, puisque je l'ai fait !!! Et si je l'ai fait, vous aussi vous pouvez le faire, en principe. Je dis ça pour les candidats à l'Alya qui hésitent encore. Enfin, j'ai quand même une qualité qui n'est pas donnée à tout le monde : je m'adapte, et ici, c'est obligé, les mentalités sont tellement différentes... Les gens sont pragmatiques et n'aiment pas se compliquer la vie, ils s'expriment aussi sans détours, bien loin de notre politesse à la française... Il faut le savoir et essayer de s'y faire.

Surtout, il faut avoir le coeur bien accroché, pour vivre ici, entre les alertes, les guerres, les bombardements du Hamas et du Jihad islamique, l'intifada des couteaux, les fusillades et les attentats quasi-quotidiens, les nerfs et le moral sont mis à rude épreuve. Il faut surtout, je crois, couper avec l'info en provenance de France, qui pratique la victimisation systématique des meurtriers et des terroristes, tout en utilisant un vocabulaire très orienté, pour plaire à la population montante je pense, vous voyez laquelle, de toute façon, c'est la gauche multiculturaliste pro-palestiniaise qui possède tous les organes d'information, en France comme en Israël. Ou quasiment. En Israël, toute l'info est dispensée par la gauche, et à part la Chaîne 14, et le journal Makor Rishon, les médias sont tous de gauche. Et chez vous, à part Cnews et Sud Radio, tout appartient à la bienpensance, au camp du Bien, bref, à la gauche. Dès qu'il s'agit d'Israël, leur tête de Turc préférée, France-Télévision et Radio-France adoptent ce lexique très marqué, celui des laquais du Quai, vous voyez lequel, oui, celui des toqués du Quai d'Orsay qui imposent ''colons'' ''occupation'' "territoires occupés" "Cisjordanie" et je t'en passe... Lors du massacre, un soir de Shabbat, de cinq membres d'une même famille, à Itamar, dont une petite fille, Hadas, agée de quatre mois, ces merdias écoeurants n'avaient pas craint d'annoncer l'égorgement d'un bébé colon. Le Monde et le Monde Diplomatique, que Christine appelle affectueusement "le Diplo", rivalisent de haine anti-juive et d'anti-israélisme primaire, dès qu'ils commentent une opération de Tsahal ou qu'un terroriste est descendu pendant l'attentat qu'il commettait ou essayait de commettre.

Les frères Awad ont pris perpète mais sont grassement rétribués chaque mois, touchant un salaire mensuel de plus de dix mille shékels, (plus de 2500 euros chacun) pour leur tuerie, il y a 12 ans déjà. C'était le 11 mars 2011, une date impossible à oublier.

En parlant de date impossible à oublier, laissez-moi vous raconter ce qui est arrivé à Hallel-Yafa, un jour qu'elle dormait, tranquillement, dans son lit. Dans sa chambre, à Kyriat Arba. C'était le 30 juin 2016. Il y a 7 ans. Tiens.

C'était le premier jour des vacances. Au collège, où elle était élève en cinquième il y avait eu une fête de fin d'année. Elle avait beaucoup dansé. Le lendemain matin, sa mère est sortie discrètement, sans faire de bruit, pour aller au marché. Elle a fermé soigneusement la porte et elle est partie, laissant Hallel dormir. Elle avait bien le droit de faire la grasse matinée !

Hélas, elle a fermé la porte à clef, mais pas la fenêtre... C'est par là qu'un arabe de 17 ans est entré dans la chambre où Hallel dormait... Il l'a poignardée pendant son sommeil. Il s'est acharné sur elle, la pauvre, la criblant de coups de couteau. Tu parles d'une grasse matinée...

Elle avait 13 ans et elle travaillait dur, elle voulait devenir danseuse. Elle aurait 20 ans, aujourd'hui.

En ce 2 août, j'ai également une pensée pour Michel Berger, de mémoire bénie, parti dormir il y a déjà 30 ans et même un peu plus dans son Paradis Blanc.

Le Paradis Blanc... En plus d'être juif, il était raciste !



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