Du Kiddoush au Kaddish : Israël en deuil

Le Shabbat, on n'enterre pas. Il faut attendre la fin du Shabbat pour rendre aux morts les derniers hommages, les derniers devoirs. Beaucoup de choses sont ainsi interdites, à Shabbat : on ne cueille pas, on ne trie pas, on ne tue pas. Pas même une mouche. Ni un moustique qui s'est posé sur votre avant-bras et aiguise sa trompe chargée de venin, oui je sais, c'est bizarre une trompe aiguisée, c'est contre-intuitif comme disent les spécialistes, mais les abeilles ont des dards et les moustiques des trompes, détrompez-vous.  Enfin, bref, toute vie, même infime, est sacrée, Shabbat.

Qu'est-ce qu'on fait, Shabbat ?

A l'entrée de Shabbat, une heure avant la tombée de la nuit environ, on allume les bougies, on récite une prière, certains mettent une pièce pour la tsédaka¹ juste avant d'allumer... On prie devant les bougies allumées pour avoir la santé, une bonne parnassa², on prie pour la réussite, pour ses proches, pour la paix, pour la venue du Mashiah³... Pour la guérison des malades. On prononce leur nom en ajoutant le prénom de leur mère. Chacun fait à sa guise, à voix haute, à voix basse, seul ou à plusieurs. Allumer les bougies de Shabbat est un rituel important, c'est un moment de recueillement, de retour à soi et à ce qui est précieux, essentiel : la santé de ceux qu'on aime, et la sienne, avant tout, la réussite de ce qui nous tient vraiment à coeur...

Sur la table de Shabbat, les entrées, toutes sortes de crudités, de plats traditionnels servis en ''amuse-gueules''. Le vin, le sel, les pains enveloppés dans un beau napperon brodé, tout est prêt, disposé à un bout de la table, à la place de celui qui préside, en général, le maître de maison. Shabbat, c'est avant tout un festin. Un repas de famille. Un repas pris entre amis, entrecoupé de prières et de chants, et que l'on débute en chantant, puis en récitant le Kiddoush, la bénédiction sur le vin. Le récitant remplit un gobelet spécialement dédié à cet usage, l'élève devant lui et récite la bénédiction, les convives répondent lé haïm ! et amen⁴ ! et boivent ensuite en se passant le gobelet à tour de rôle. Une gorgée symbolique chacun.

Entre l'allumage des bougies, lequel incombe aux femmes, et le Kiddoush, qui ouvre le repas de Shabbat, il y a les prières des hommes, le vendredi soir, à la Beit Knesset⁵. Quelques femmes y vont aussi, mais en général elles n'ont pas le temps, occupées qu'elles sont à finir les entrées et mettre la main aux derniers préparatifs...

Pour aller à la synagogue, on se fait beau. On revêt ses plus beaux atours, pour honorer Shabbat. En sortant, on a faim, surtout lorsque les prières s'éternisent, que le rav prononce quelques paroles en plus en vue d'une occasion spéciale, ou qu'il annonce un événement, mariage, Bar-mitsva... Enfin, ça y est, on va remettre le livre en place, on se dirige vers la sortie. Et on sort, renforcé par la prière en commun, et impatient d'aller se mettre à table... Hélas, vendredi dernier, des hommes et des femmes venus prier sont morts en sortant : un terroriste a fait feu sur tout le monde et a descendu sept personnes. Ces prières ont été les dernières, pour elles. L'attentat a aussi fait sept blessés dont certains, graves.

Des gens qui allaient rejoindre les leurs autour du repas de Shabbat sont tombés sous les balles de l'assassin islamiste. D'autres étaient déjà attablés pour le Kiddoush et ont été assassinés alors qu'ils avaient quitté la table à toute vitesse pour courir à la rescousse des gens, là, dehors, qui devaient crier et appeler à l'aide après les premiėres rafales.

Guerre sainte du vendredi

J'ai cru remarquer que les attentats islamistes ont souvent lieu le vendredi. C'est le jour saint musulman. Afin d'honorer Allah et le commandement de faire la guerre sainte⁶ aux Juifs et aux mécréants, le candidat à l'entrée dans le paradis d'Allah doit faire une action d'éclat. De préférence le jour saint. Tuer le plus de Juifs possible. Ou de mécréants possible, comme par exemple, un certain vendredi 13 novembre 2015. Evidemment il y a des exceptions : le terrible attentat de Har Nof, commis à la hache, contre quatre rabbis, qui moururent dans la synagogue dans les conditions que vous pouvez imaginer, eût lieu un mardi. Le 18 octobre 2014. Mais le massacre d'Itamar, le 11 mars 2011, a eu lieu lui aussi dans la soirée de Shabbat, un vendredi soir. La famille Fogel avait été égorgée chez elle, le père, la mère, les enfants, même un bébé, une  petite fille de quatre mois, qui s'appelait Hadas, et qu'un journal français n'a pas craint de qualifier de "bébé colon". Je ne sais plus si c'était L'hibernation ou l'Immonde. L'Immonde Diplomatique ? Cinq membres d'une même famille assassinés sans pitié, égorgés un soir de Shabbat. Bientôt douze ans depuis cette nuit d'horreur, depuis ce vendredi fatal.

Vendredi dernier était en plus le jour où le monde commémorait la shoah. Non, non, pas de majuscule pour ce crime sans nom, la honte indélébile du genre humain, le premier crime industriel planifié dans les moindres détails, qui aboutit à l'extermination méthodique de plus d'un tiers du peuple juif. Je suis même pas sûre que le type qui a commis la tuerie, un jeune arabe de Shuafat, (21 ans) était au courant de la chose. Un citoyen titulaire de la nationalité israélienne, pas un ''palestinien'' comme l'écrivent nombre de journaux français. Il a tué un vendredi soir, en bon musulman qui en faisant le jihad, se conforme à la prescription islamique et estime mériter pour cela le paradis d'Allah et ses 72 vierges.

Evidemment, après ça, le gouvernement était attendu, vu l'ampleur du carnage. Surtout Itamar Ben Gvir, notre nouveau chef de la sécurité intérieure. L'action du gouvernement devait être à la hauteur du crime. Sceller les maisons des terroristes, avant leur destruction. (Je dis des, car il y a eu d'autres attentats le lendemain, l'un commis par un gosse de 13 ans) Arrêter les membres de la famille et les proches de terroristes, traiter les demandes de port d'arme, voter la loi sur l'expulsion des familles de terroristes et leur déportation : c'était le programme de Ben Gvir, et c'est désormais chose faite.

La loi est passée, cette nuit.

Tout d'abord, ces dispositions ne sont pas des solutions, mais quand même, c'est un bon début, il me semble. Armer plus de civils, et la peine de mort pour les terroristes, pourquoi pas ?

Je précise en passant que je ne suis pas pour la peine de mort. (La chanson de Sardou, Je suis pour, m'a toujours semblé dégueulasse, mal fichue, tant du point de vue formel que du fond : orchestration putassière, texte provocateur et cru, sans réelle puissance ni efficacité). Je trouve que se mettre à cent pour décider de la mort d'un homme, fût-il un assassin, n'est pas très moral. Et puis comme chante Julien Clerc, 

''Le sang d'un condamné à mort

C'est du sang d'homme, ç'en est encore 

Ç'en est encore."

(L'assassin assassiné)

La chanson la plus réussie sur le sujet, selon moi, restant l'indémodable Gorille de Georges Brassens.

Donc une exception pour les terroristes, pourquoi pas ? me suis-je dit. Peine de mort. Mais ils adorent jouer aux martyrs, ce serait donc contre-productif. Donc non, à la réflexion. De toutes façons, la plupart du temps ils sont neutralisés, sans procès, ''éliminés'' par la police ou un civil armé, comme le 22 mars dernier à Beershéva. C'est un civil qui avait fini par tirer sur le terroriste, qui venait de poignarder à mort quatre personnes, au Big, un centre commercial très populaire, et donc, très fréquenté.

Je trouve toutes ces mesures très très bien, à quelques nuances près : oui, il faut démolir les maisons des terroristes, et empêcher la Cour suprême d'annuler les ordres de démolition ou d'expulsion, ce dont elle est coutumière. Mais on est en train d'y remédier je crois. Oui, il faut déchoir de la nationalité les terroristes et leurs familles, oui, les virer, c'est clair... Mais pourquoi en Judée-Samarie ? C'est pas une poubelle, la Judée-Samarie... Si ?

Non. Si on les vire, je préconise que ce soit à Gaza. Ou en Jordanie, l'Etat palestinien dont on vient de fêter les cent ans d'existence. Ou en France, tiens, ce beau pays qui aime tant les terroristes, où l'on est pour l'Hamouri libre. (C'est une expression de Liliane Messika, je l'ai lue ce matin, ça m'a fait hurler de rire⁷.) Hamouri, le terroriste condamné à plusieurs années de prison à cause de sa participation au projet d'assassinat du rav Ovadia, grand rabbin d'Israël. Il vient d'être expulsé en France.

L'Hamouri libre, j'en ris encore ! Dites, on ne peut pas passer son temps à pleurer, ou à déplorer quelque chose. A se lamenter. Et même si l'on est horriblement triste et découragé, on a des moments de franche rigolade, et heureusement. Hamouri est ce franco-palestiniais qui devait tenir la vedette dans un show prévu aujourd'hui mercredi premier février à l'instigation du maire de Lyon. Tapez ''Hamouri conférence maire de Lyon'' sur Goûts-Gueules et vous saurez tout.

Aujourd'hui mercredi, cinquième jour de la shiva, pour les familles des personnes tuées. La shiva vient de sheva, sept. Elle désigne les sept jours de deuil durant lesquels on ne travaille pas, on ne sort pas de la maison, on reçoit les amis, les connaissances ou même les inconnus qui viennent se recueillir et partager une collation, s'assoir en silence ou évoquer le souvenir de la personne disparue. On récite le Kaddish, la prière des endeuillés, non seulement pendant l'enterrement, mais pendant toute la shiva, et aux shloshim, le trentième jour de deuil.

Asher Nathan est la plus jeune des sept victimes. Il n'avait que 14 ans. Le coeur se navre en pensant à ses parents, dont c'était le premier fils. Il est si beau et si jeune, sur la photo, sa vie, il n'a pas pu la vivre, elle lui a été volée... Nous le pleurons, lui et toutes les autres victimes de cet acte abominable, depuis ces quelques jours écoulés. Pas de Kiddoush, pour eux, mais un Kaddish, en cette soirée terrible du 27 janvier qui a meurtri nos coeurs.

Puissions-nous trouver consolation et réconfort dans la certitude que gam zou lé tova, cela aussi est pour le mieux, même si la réalité semble bien cruelle... Que haKaddosh Barouh Hou, le Saint béni soit-Il, aide les familles des disparus à surmonter cette épreuve terrible et qu'Il guérisse les blessés, amen. Qu'Il nous renforce, nous, Israéliens, dans cette période sombre que nous traversons et qui dure depuis si longtemps. Trop longtemps !

Pour que le terrorisme cesse, il faut une réelle volonté politique. Ne pas se contenter de réagir quand il y a un attentat. Il faut abroger les désastreux accords d'Oslo. Cesser d'alimenter la fable qu'un Etat palestiniais arrangerait tout. 

Il faut que l'on cesse de vouloir nous obliger à vivre avec nos assassins.

                                                    Beershéva, 1er février 2023


NOTES

1. Boîte généralement en métal, sorte de tire-lire où l'on met des offrandes, des pièces destinées à être remises à celui qui passe la réclamer, le plus souvent un rav.

2. Gagne-pain.

3. Le Messie, que nous autres Juifs attendons toujours.

4. Lé haïm, à la vie ! Amen ! Nous avons foi ! Non du latin, mais de l'hébreu léamin, croire, avec une nuance de volonté de croire, d'affirmation de la foi.

5. Littéralement, la maison où l'on s'assemble, où l'on se réunit. La Knesset est notre Assemblée Nationale. En français, synagogue.

6. Ou jihad, d'où le mot "jihadistes", ceux qui tuent au nom d'Allah

7.https://mabatim.info/2023/01/31/gregory-doucet-maire-de-lyon-limportance-detre-constant/


Commentaires

  1. Il n'y a pas longtemps, j'ai découvert une expression inconnue pour moi. Vous êtes au pays des bisounours. C'est une nouvelle version de "tout le monde il est beau, etc."
    Si je suis plutôt contre la peine de mort, c'est à cause des erreurs judiciaires et des boucs-émissaires.
    Il se peut cependant que certains assassins n'aient d'humaine que l'apparence. Combien de faits divers monstrueux sont-ils le fait de récidivistes en liberté ?
    Sans vouloir ne voir que du noir ou de blanc, il est rare qu'un individu dangereux ayant échappé à la peine de mort reste en prison à titre définitif, plus pour protéger la société que par mesure punitive ?
    Quiconque se lève pour te tuer, devance-le et tue le (Talmud, traité Berakhot, 58a, et aussi Sanhédrin).
    Et puisqu'il est question ici de victimes innocentes de terroristes motivés par la religion musul..., pardon, islamiste, j'oublie la turpitude de la novlangue, on comprend mieux les mauvaises pitiés :
    Quiconque a pitié des inhumains se rend inhumains vis-à-vis des innocents. (Midrach Tanhouma).

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    1. La nouvelle disposition, appliquer la peine de mort pour les terroristes, est selon moi un détail. Je continue à penser que ce ne serait pas dissuasif, les musulmans considérant que la vraie vie est au paradis d'Allah et que celle-ci ne vaut rien. L'important est selon moi que de plus en plus de gens puissent commencer à comprendre l'essentiel, à savoir que la guerre qui nous oppose ici aux arabes est d'origine religieuse, non territoriale, et que ce sont les Européens, par projection, par haine du Juif, qui font passer le jihad des arabes ici pour une guerre de libération nationale.

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  2. Oui, mais ce qui est paradoxal justement, c'est que quand on les aide à y aller, brusquement ils se calment. D'ailleurs, comme l'explique le prof Eliézer Cherki, la méthode de l'islam consiste a se considérer en période de trêve et donc de rester calme quand l'"ennemi" est trop fort pour être battu. Donc...
    Chabbat Chalom.

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